Une rencontre en Sierra Leone

31/05/2022

Une rencontre en Sierra Leone

Isata est la première femme mécanicienne de vélo du Sierra Leone.

Freetown, Sierra Leone, mars 2022
Le soleil est déjà haut et la chaleur écrasante en cette matinée de mars. C’est la sortie de l’école dans le quartier de Kissy, dans le nord de Freetown, capitale de la Sierra Leone, et les enfants courent, se chamaillent et se retournent vers nous en riant. Parmi la foule, une jeune femme aux cheveux courts se détache et vient à notre rencontre. Elle nous guide vers son petit logement, qui donne sur le lit d’une rivière.
A l’intérieur, un casque de vélo est accroché au mur ainsi que des médailles dorées,uniques décorations du minuscule salon.
Nous sommes chez Isata Sama Mondeh. Derrière un sourire étincelant se cache une redoutable athlète : elle est la championne de cyclisme féminin du pays - la première femme à obtenir un tel titre - “la femme la plus rapide”, se décrit-elle, toujours en souriant. Elle est aussi la première mécanicienne du pays à avoir son magasin de réparation de vélos.
Des exploits d’autant plus remarquables que la Sierra Leone n’est pas connue pour ses efforts en matière d’égalité des sexes. Dans le milieu du sport, certaines timides avancées se font sentir mais les jeunes filles sont, semble-t-il, écartées de la performance sportive dès le plus jeune âge (nous avons notamment assisté à une journée “sports” dans une école primaire et l’une des épreuves réservées aux filles consistait à insérer un fil dans une aiguille le plus rapidement possible). Mais pas pour Isata. Enfant, elle empruntait un vélo pour pédaler dans les rues et faisait la course avec les garçons. Au lycée, elle a été repérée par une équipe de cyclisme qui l’a soutenue et entraînée pour participer à des courses professionnelles. Lors de sa première course, elle est la seule femme à participer. Au fil des courses, elle grimpe les échelons, améliore son chrono, devançant les hommes dans le classement final à plusieurs reprises. En 2019, elle remporte le Tour de Lunsar dans la catégorie féminine, la course de cyclisme la plus importante du pays
“Aujourd’hui je suis fière,” me dit-elle, “fière de montrer qu’une femme peut faire cela.J’espère inspirer de nombreuses jeunes filles et les faire réfléchir. J’ai envie qu’elles croient en leur avenir et qu’elles se dépassent et se sentent puissantes comme moi.”Inspirer, Isata l’a déjà fait, comme en témoigne Joyce, rencontrée le même jour et juste après son entraînement. L’adolescente de 15 ans a rejoint l’équipe des
Flames Cycling Club
qui comporte aujourd’hui plusieurs équipes féminines, en junior comme en adulte.Elle a suivi les pas de son père, également cycliste et réparateur vélo, mais c’est l’image d’Isata sur le podium qui la marquera le plus.
Âgée de 29 ans et enceinte au moment de notre rencontre, Isata fait une pause dans ses activités de cycliste et prête son vélo de course à Joyce pour assurer la relève du cyclisme féminin dans le Tour de Lunsar.
Isata a ainsi découvert la mécanique vélo grâce à l'association Village Bicycle Project qui fournit des bicyclettes aux communautés rurales dans plusieurs pays d’Afrique, dont la Sierra Leone. Elle se découvre une passion et un talent pour la mécanique, à tel point qu’elle parvient à ouvrir un atelier/boutique à Makeni, deuxième plus grande ville du pays et à être embauchée en tant que staff technique sur le Tour de Lunsar de 2022. “Les gens n’en croyaient pas leurs yeux quand ils m’ont vu réparer des vélos. Certaines personnes
venaient à ma boutique juste pour me regarder faire parce que c’est hors du commun devoir une femme faire de la mécanique,” dit-elle.
Comme beaucoup de femmes dans le monde, Isata a longtemps douté sur les capacités physiques des femmes à faire du vélo, notamment à cause de croyances et de tabous véhiculés. “C’est encore tabou dans de nombreuses communautés de voir une fille faire du vélo parce qu’on croit que le frottement de la selle de vélo peut causer des“problèmes”,” explique-t-elle. “Même moi, je doutais et j’ai eu peur que je ne puisse pas  tomber enceinte à cause de ma pratique du cyclisme, que le vélo rendait stérile. Puis je suis tombée enceinte, deux fois, et j’ai pu montrer à tout le monde que c’était ridicule de croire ça!”
Isata a
créé le buzz l’an dernier
en pédalant en robe de mariée après avoir épousé sonmari. “C’était une condition,” me révèle-t-elle en riant. “S’il ne voulait pas faire du vélo le jour de la cérémonie, il n’y aurait pas eu de mariage !”

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